Agriculture : le projet de loi d'orientation renvoyé devant le Conseil constitutionnel par les groupes d'opposition de l'Assemblée

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Couverture : Malgré des réserves, le Conseil constitutionnel valide le nouveau règlement de l’Assemblée
par Ludovic FAU, le Mardi 9 avril 2024 à 12:00, mis à jour le Vendredi 12 avril 2024 à 14:35

A l'initiative de La France insoumise, les oppositions de l'Assemblée nationale ont décidé, ce mardi 9 avril, de renvoyer le projet de loi d'orientation agricole devant le Conseil constitutionnel, estimant l'étude d'impact du gouvernement potentiellement insuffisante et insincère. La majorité présidentielle dénonce un "coup politique". Cette procédure n'aura d'impact sur le calendrier prévu que si les Sages donnent raison aux oppositions.  

"Victoire pour le Parlement", selon La France insoumise, "choix de l'obstruction", selon le gouvernement... Lors de la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale, ce mardi 9 avril, les oppositions ont mis le gouvernement et la majorité relative en minorité empêchant, à ce stade, l'inscription du projet de loi "d'orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture" à l'ordre du jour du Palais-Bourbon. Motif invoqué : l'étude d'impact du texte, que les oppositions jugent insuffisante et insincère.

Etude d'impact insincère selon les oppositions...

Lundi 8 avril, la présidente du groupe la France insoumise, Mathilde Panot a écrit à la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), pour soulever la question de "l'insincérité de l'étude d'impact présentée par le gouvernement" sur son projet de loi d'orientation agricole. Pour se faire, la cheffe de file des députés LFI se fonde sur des réserves émises par le Conseil d'Etat, qu'elle cite dans son courrier. Dans un avis du 21 mars, celui-ci estime, par exemple, que certaines mesures proposées par le gouvernement, pour l'"accélération des contentieux" en cas de recours contre des projets de stockage d'eau ou de bâtiments d'élevage, "sont susceptibles de présenter des risques de constitutionnalité". La juridiction administrative indique aussi que l'étude d'impact est "très insuffisamment motivée" sur ce sujet dans la mesure où il "se borne à anticiper une hausse du nombre des recours".

La conférence des présidents de l'Assemblée réunie mardi a débattu de cette question, et a décidé en vertu de l'article 39 de la Constitution que le Conseil constitutionnel devrait se prononcer sur le respect - ou pas - de ses obligations en matière d'étude d'impact par le gouvernement.

"Nous avons ce matin gagné une victoire et fait respecter le Parlement", a réagi Mathilde Panot, lors de la conférence de presse hebdomadaire du groupe LFI à l'Assemblée.
De sources parlementaires les présidents des groupes d'opposition ont voté en faveur de la saisine du Conseil constitutionnel, à l'inverse des groupes de la majorité présidentielle, qui n'est que relative depuis 2022. Il revient désormais à la présidente de l'Assemblée ou au Premier ministre de saisir les Sages, qui auront alors huit jours pour se prononcer. Si le Conseil constitutionnel valide l'étude d'impact, le projet de loi pourra être inscrit au menu du Palais-Bourbon. 

..."Alliance des contraires" et "choix de l'obstruction", selon le gouvernement

"Le Conseil constitutionnel jugera, et le gouvernement fera valoir ses arguments, mais contrairement à ce qu'affirme le groupe LFI, l'étude d'impact produite à l'appui du projet de loi n'est ni insuffisante et encore moins insincère", affirme le ministère de l'Agriculture dans une réaction communiquée aux médias. Dénonçant une "nouvelle alliance improbable des contraires" allant de La France insoumise au Rassemblement national en passant par Les Républicains, les services de Marc Fesneau ajoutent que les oppositions "viennent de faire le choix, devant la colère agricole, de l'obstruction et du ralentissement quand tout commanderait l'accélération et la détermination". Et le ministère de préciser que compte tenu de l'agenda parlementaire prévu par le gouvernement, "le calendrier ne serait véritablement affecté que si le Conseil constitutionnel estime que l'étude d'impact devrait être retravaillée". Si l'étude est validée, le projet de loi pourra être inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, "à partir du 14 mai", indique une source parlementaire. 

Remanié et enrichi suite à la colère qui s'est exprimée dans le monde agricole en début d'année, le texte ambitionne notamment d'accélérer l'arrivée de nouvelles générations d'agriculteurs en revoyant certaines contraintes environnementales à la baisse. Mêlant des sujets aussi variés que la formation, les haies ou la révision de l'échelle des peines en cas d'atteinte à la nature, le texte est salué par les syndicats agricoles majoritaires pour ses mesures de simplification et la facilitation promise de projets d'irrigation ou d'élevage. Au contraire, les ONG environnementales se montrent critiques, reprochant au gouvernement de pérenniser le modèle actuel, au détriment des écosystèmes.

Au printemps dernier, la même procédure avait été engagée, cette fois à l'initiative du président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix, sur la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030. Mais le Conseil constitutionnel avait jugé que la présentation du projet de loi était "conforme" aux obligations que devait respecter le gouvernement. Le texte - définitivement adopté l'été dernier - avait donc pu être examiné conformément au calendrier prévu par l'exécutif.