Le groupe du Rassemblement national a indiqué lors d'une conférence de presse, jeudi 27 octobre, qu'il userait de son droit de tirage pour la création d'une commission d'enquête parlementaire. Il souhaite que celle-ci ait pour objet "les ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères, visant à influencer ou corrompre des relais d'opinion, des dirigeants ou des partis politiques français".
C'est une mise en cause dont le Rassemblement national est devenu coutumier : celle de ses liens financiers et stratégiques, réels ou supposés, avec des Etats étrangers tels que la Russie de Vladimir Poutine ou la Hongrie de Viktor Orbán. À l'Assemblée nationale, le groupe a donc décidé de contre-attaquer en prenant lui-même l'initiative d'une commission d'enquête sur les ingérences étrangères qui visent la France. Le député Jean-Philippe Tanguy a indiqué que le Rassemblement national userait pour ce faire de son droit de tirage, qui permet annuellement à un groupe d'obtenir la création d’une commission d’enquête, sous réserve que celle-ci soit conforme aux critères de recevabilité requis, ce qui est généralement le cas.
Jean-Philippe Tanguy a indiqué avoir rédigé, avec le président du Rassemblement national par intérim, Jordan Bardella, et la présidente du groupe à l'Assemblée, Marine Le Pen, la proposition de résolution, qui a d'ores-et-déjà été déposée. Une fois la commission effectivement créée, le RN qui en a pris l'initiative via son droit de tirage devrait occuper la fonction de président, en la personne de Jean-Philippe Tanguy, tandis que le rôle de rapporteur reviendra à la majorité. Comme pour toutes les commissions d'enquête, chaque groupe sera représenté proportionnellement à son nombre d'élus au Palais-Bourbon.
"Le but de cette commission est simple : mettre fin à cette manipulation démocratique à laquelle nous assistons depuis plusieurs années, avec une virulence et un cynisme particulièrement révoltants pendant la présidentielle, où sans aucun fondement, le Rassemblement national a été accusé de représenter les intérêts de puissances étrangères", a indiqué Jean-Philippe Tanguy, avant d'évoquer une "indignité" et une "manipulation démocratique". Il a notamment visé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, qui avait, durant les débats sur le projet de loi de finances notamment, évoqué "la soumission" du RN "à Vladimir Poutine". "C'est devenu une sorte de joker permanent de partis en faillite qui n'ont plus rien à dire", a aussi estimé le député RN de la Somme.
Nous convoquons cette commission d'enquête, avec une certaine impatience, pour laver notre honneur, mais aussi pour que la démocratie reparte sur des bases saines. Jean-Philippe Tanguy
Jean-Philippe Tanguy a, par ailleurs, estimé que la commission d'enquête pourrait mettre en lumière "des choses très intéressantes sur les possibles ingérences qui peuvent concerner d'autres forces politiques". "Les Français méritent de savoir la vérité", a-t-il ajouté, évoquant, sans le nommer, l'ex-député La République en marche de Paris, Buon Tan, qui avait fait l'objet d'un article du Monde intitulé : "Le député Buon Tan, relais d’influence de la Chine à l’Assemblée nationale".
"Aujourd'hui tout le monde se demande pourquoi on va jouer au foot au Qatar", a poursuivi Jean-Philippe Tanguy, "Qu'est-ce qui a permis qu'une nation non footballistique hérite de cet honneur et de cette responsabilité, peut-être que l'on trouvera des réponses". Là encore, Jean-Philippe Tanguy se fonde notamment sur une enquête journalistique qui a rendu compte des coulisses du choix, intervenu en 2010, de l’Emirat comme pays hôte de la Coupe du monde à venir, ainsi que du rôle de la France dans cette décision.
Facétie du calendrier, le parquet de Paris vient d'ouvrir une enquête sur de possibles faits de corruption et de trafic d’influence mettant en cause "Dialogue franco-russe", une association coprésidée par l’eurodéputé et membre du Rassemblement national, Thierry Mariani. Des accusations balayées d'un revers de la main par Jean-Philippe Tanguy. "Je crois que ces faits, Thierry Mariani l'a dit lui-même, remontent au moment où il était à l'UMP", a-t-il déclaré après avoir rappelé que la commission d'enquête ne pouvait légalement pas se saisir de faits sur lesquels la justice travaille.
Concernant le prêt obtenu par le Rassemblement national auprès d'une banque hongroise, afin de financer la campagne de Marine Le Pen lors de la dernière élection présidentielle, Jean-Philippe Tanguy a fait valoir que la commission d'enquête pourrait être l'occasion de "prouver définitivement que ce prêt a été expertisé et validé par la Commission nationale du financement des partis politiques". Il ne dit pour autant pas clairement si des membres du RN seront auditionnés à cet effet par la commission d'enquête. Commission d'enquête dont la recevabilité sera prochainement examinée par l'Assemblée.