Lutte contre les dérives sectaires : le projet de loi définitivement adopté par l'Assemblée nationale

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Brigitte Liso (Renaissance) à la tribune de l'Assemblée nationale, le 9 avril 2024
Brigitte Liso (Renaissance) à la tribune de l'Assemblée nationale lors de la lecture définitive du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires, le 9 avril 2024.
par Soizic BONVARLET, le Mardi 9 avril 2024 à 21:20, mis à jour le Mercredi 10 avril 2024 à 14:37

Les députés ont définitivement adopté, ce mardi 9 avril, le projet de loi "visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes". En raison d'un désaccord persistant avec le Sénat, l'Assemblée a eu le dernier mot, comme le prévoit la procédure législative. Au cœur des débats depuis que le texte a entamé son parcours au Parlement, il y a cinq mois, l'article 4 - qui instaure un délit de provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins - a été validé dans une version retravaillée par rapport au texte initial. 

Épilogue d'âpres débats et de cinq mois de navette parlementaire, le projet de loi "visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes", a finalement été définitivement adopté, ce mardi 9 avril, par l'Assemblée nationale. Faute d'accord en commission mixte paritaire, le 7 mars dernier, et alors que le Sénat a rejeté le texte en nouvelle lecture le 2 avril, le dernier mot est revenu à l'Assemblée nationale. 

L'article de la discorde remanié au fil des lectures

"Si le texte a bien évolué depuis le début de son examen, les constats et objectifs poursuivis restent les mêmes", a déclaré la ministre en charge du projet de loi, Sabrina Agresti-Roubache. Evoquant la nécessité de répondre aux nouvelles formes de dérives sectaires, qui s'exercent en particulier en ligne et dans le champ de la santé et du bien-être, la secrétaire d'Etat chargée de la Citoyenneté et de la Ville a défini l'axe prioritaire du texte au travers du renforcement de l'arsenal juridique en la matière.

Deux nouveaux délits sont ainsi créés, l'un visant le fait "de placer ou de maintenir une personne en état de sujétion psychologique ou physique" (article 1er), l'autre réprimant "la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins, ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la personne visée à des risques graves pour sa santé" (article 4). 

Il n'est pas dans l'intention du gouvernement d'interdire la critique médicale (...) La seule intention du gouvernement est de mettre hors d'état de nuire les gourous 2.0. Sabrina Agresti-Roubache

Arguant que le gouvernement avait "entendu" les critiques relatives au texte initial. Sabrina Agresti-Roubache s'est félicitée d'une copie finale qui "[garantit] la liberté de conscience, préserve la liberté critique médicale, et [s'abstient] de réprimer les discours familiaux tenus pour ainsi dire à l'emporte-pièce dans un cercle privé". Tout comme les sénateurs, les députés de la plupart des groupes d'opposition, socialistes exceptés, ont critiqué l'article 4 tout au long du parcours législatif du projet de loi. Cet article comporterait, selon eux, des risques pour la liberté du débat scientifique, en particulier médical, ainsi que pour la liberté des patients en matière de choix thérapeutiques.

Une opposition moins virulente, sur fond de scepticisme persistant

"La rédaction de l'article a été améliorée pour répondre à certaines observations légitimes", a fait valoir la rapporteure du texte, Brigitte Liso (Renaissance). Pour être passible des peines prévues par la loi, il faudra avoir poussé, par des pressions réitérées, un malade ayant des chances de guérison à adopter des pratiques présentées comme bénéfiques pour la santé alors qu'elles sont sans effet ou dangereuses au regard des connaissances médicales. Enfin, l’intentionnalité devra être appréciée par un juge. Un nouvel alinéa a également été introduit en première lecture, à la demande du groupe Socialistes - par ailleurs favorable dès l'origine au projet de loi -, afin que "l’information signalée ou divulguée par le lanceur d’alerte" dans les conditions prévues par la loi du 9 décembre 2016, ne constitue pas une "provocation" au sens de l'article 4.

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Des infléchissements qui n'ont pas suffi à convaincre l'ensemble des oppositions, Xavier Breton (Les Républicains), critiquant un texte "de plus en plus bricolé et de moins en moins lisible", a fait part des "inquiétudes" persistantes de son groupe le conduisant à s'abstenir. "La surpénalisation n'est aucunement la solution, et ne fera pas cesser les dérives sectaires", a quant a elle estimé Elisa Martin (La France insoumise), fustigeant un texte qui "promeut l'aggravation des peines au mépris des libertés fondamentales".

Au cours de la lecture définitive qui a eu lieu ce mardi, Brigitte Liso (Renaissance) a souligné les autres "avancées majeures" contenues dans le projet de loi, parmi lesquelles "la consécration législative de la Miviludes (...) le renforcement des mesures sanctionnant les thérapies de conversion et l'amélioration apportée au soutien de leurs victimes, l'allongement du délai de prescription quand les victimes de dérives sectaires sont mineures, le signalement aux ordres professionnels de santé des dérives que certains de leurs membres peuvent commettre au détriment de leurs patients". Le texte a finalement été adopté par 146 voix "pour", 104 voix "contre" (détail du scrutin à consulter ici).

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