Polluants éternels : les députés adoptent un texte pour restreindre leur usage, mais excluent les ustensiles de cuisine

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PFAS : "Ce texte est une première avancée majeure", se félicite Nicolas Thierry
PFAS : "Ce texte est une première avancée majeure", se félicite Nicolas Thierry
par Adèle Daumas, le Jeudi 4 avril 2024 à 20:07, mis à jour le Lundi 8 avril 2024 à 11:30

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce jeudi 4 avril, la proposition de loi visant à "protéger la population des risques liés aux PFAS". Ce texte - présenté dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Ecologiste - prévoit de restreindre la fabrication et la vente de produits contenant ces substances, limitant ainsi le rejet de celles-ci dans l'environnement. Il consacre aussi le principe de "pollueur-payeur". 

Cosmétiques, textiles d'habillement, fart pour les skis... A partir du 1er janvier 2026 - si le texte adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, ce jeudi 4 avril, est définitivement adopté par le Parlement - ces produits devront être sans PFAS.

Présentée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Ecologiste, la proposition de loi visant à "protéger la population des risques liés aux substances per- et polyfluoroalkylées" prévoit en effet d'interdire, à partir de cette date, la fabrication, l'importation et la vente de tout produit cosmétique, produit de fart ou produit textile d'habillement contenant des PFAS, aussi appelés polluants éternels, à l'exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile.

Le texte, visant à restreindre l'utilisation de ces substances particulièrement persistantes dans l'environnement et l'organisme, et donc à limiter les risques pour la santé, a été voté à l'unanimité par 186 voix "pour" et 27 abstentions (détail du scrutin à consulter ici). 

Les "ustensiles de cuisine" exclus du texte

Après un long travail depuis l'adoption du texte en commission le 27 mars, la proposition de loi a fait l'objet d'un débat de plusieurs heures, parfois tendu, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Confrontant leurs points de vue, mais partageant une volonté d'aboutir, les députés ont cependant réussi à s'accorder sur la proposition de loi, moyennant plusieurs ajustements. 

Principale modification : l'interdiction des ustensiles de cuisine contenant des PFAS a été supprimée du périmètre du texte. Une condition sine qua non posée et votée par les groupes de la majorité présidentielle (Renaissance, Démocrate, Horizons), ainsi que par le Rassemblement national et Les Républicains, au nom de la défense de ces industries en France. Les PFAS sont notamment présents dans la composition des poêles anti-adhésives et leur interdiction à courte échéance risquerait, selon ces groupes, de détruire des emplois, en l’absence d'alternatives immédiates. 

Le ministre délégué chargé de l'Industrie, Roland Lescure, qui représentait le gouvernement a, en outre, rappelé que le groupe "SEB [propriétaire de Tefal] est sorti du PFOA en 2012", alors que "la réglementation européenne l'a interdit en 2020". "Pointer du doigt les industriels les plus exemplaires, c'est assez malheureux", s'est-il agacé, regrettant "les jugements pseudo-moraux qui voudraient opposer les méchants industriels polluants et les gentils sanitaires anti-européens".

"Ce qui menace l'emploi, ce n'est pas une réglementation qui vise à protéger la santé publique, c'est un manque d'anticipation de la sortie du Teflon", a répondu le rapporteur de la proposition de loi, Nicolas Thierry (Ecologiste). Il a aussi regretté que "certaines marques [qui] avaient annoncé sortir des PFAS dès le début des années 2010" ne soient pas passées aux actes, selon lui, "faute de réglementation". Il voit donc dans la suppression des ustensiles de cuisine du périmètre du texte une façon de "repousser encore les délais".

Transparence, trajectoire de réduction des PFAS, redevance "pollueur-payeur"

En dépit de ce sujet, qui a crispé les discussions, les députés sont parvenus à se mettre d'accord sur l'adoption d'une trajectoire de réduction des PFAS, "de manière à atteindre une réduction d’au moins 90 %" des rejets industriels dans "un délai de deux ans", en visant un arrêt total d'ici cinq ans.

Ils ont également acté le principe du "pollueur-payeur", afin que les industriels qui émettent des PFAS versent une redevance aux agences de l'eau et participent ainsi à l'effort de dépollution. Cette mesure ne prend toutefois en compte que la pollution à venir. Reste à trouver, comme l'ont souligné les différents groupes et le gouvernement, comment financer le traitement de la pollution déjà existante dans l'environnement

Enfin, le texte prévoit un contrôle accru de la qualité de l'eau potable en incluant les PFAS dans les études de façon à connaître le niveau d'exposition de la population. Les agences régionales de santé (ARS) seront tenues de publier les données résultant de ces contrôles.

Au terme du débat, la plupart des groupes se sont félicités d'avoir pu parvenir à compromis. Anne-Cécile Violland (Horizons) a salué un "premier pas important" qui nécessitera toutefois un "travail sur du plus long terme", tandis que Cyrille Isaac-Sibille (Démocrate), auteur d'un rapport sur les PFAS, a qualifié le texte de "compromis acceptable", qui a le mérite "d'envoyer un message à l'Europe".

Prochaine étape, la proposition de loi va maintenant devoir poursuivre son parcours législatif au Sénat. En attendant, lors du débat à l'Assemblée nationale, le ministre Roland Lescure a détaillé le plan qu'entend mettre en place le gouvernement pour lutter contre les PFAS. Une initiative est également en cours au niveau européen pour interdire ces polluants.