Projet de loi agricole : l'Assemblée nationale valide un nouveau diplôme national Bac+3 de formation aux métiers agricoles

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Marc Fesneau à l'Assemblée nationale, le 22 mai 2024.
Marc Fesneau à l'Assemblée nationale, le 22 mai 2024.
par Maxence KagniLéonard DERMARKARIAN, le Mercredi 22 mai 2024 à 19:11

L'Assemblée nationale a approuvé la création d'un "diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie", qui aura le grade de licence. Ce nouveau diplôme Bac+3 de formation aux métiers de l'agriculture a été adopté, ce mercredi 22 mai, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation "pour la souveraineté en matière agricole". 

Un nouveau diplôme agricole pour favoriser le "renouvellement des générations" : ce mercredi 22 mai, l'Assemblée nationale a a adopté l'article 5 du projet de loi d'orientation "pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture".

Après de longues heures de débats dans l'hémicycle, l'article adopté crée une formation de niveau bac+3, "conduisant à un diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie". Une nécessité selon le gouvernement et les groupes de la majorité, qui ne convainc cependant pas tous les groupes d'opposition. 

Ce diplôme aura pour objectif de permettre une "insertion professionnelle dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire, avec une adaptation particulière aux enjeux de la transition écologique et de la décarbonation des pratiques agricoles". "Ce diplôme aura le grade de licence", a expliqué mardi 21 au soir le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, qui veut "rendre attractif l'enseignement agricole".

"Il est aujourd'hui essentiel d'accompagner la montée en qualification du monde agricole", a affirmé Bertrand Sorre (Renaissance). Le nouveau diplôme permettra d'"attirer des publics nouveaux dans ces beaux métiers du vivant", comme des personnes "ayant suivi une formation bac+2 autre que le BTS agricole", même si ce dernier "reste[ra] au coeur du système de formation", a ajouté Géraldine Bannier (Démocrate).

Pas un "Bachelor"

Le projet de loi initial prévoyait que les établissements publics d'enseignement supérieur pouvaient être accrédités conjointement avec des lycées agricoles publics ou privés pour dispenser cette nouvelle formation. En commission des affaires économiques, les députés avaient étendu la liste des établissements pouvant dispenser ce nouveau "diplôme national de premier cycle en sciences et techniques de l’agronomie". Ainsi, ils avaient permis aux établissements d’enseignement supérieur agricole publics de conclure une "convention de coopération" avec des établissements d’enseignement supérieur agricole privés relevant du ministère de l'Agriculture et des établissements d’enseignement supérieur privés à but non lucratif reconnus d’intérêt général.

La commission des affaires économiques avait, par ailleurs, supprimé l'appellation de cette nouvelle formation que le projet de loi prévoyait d'appeler "Bachelor Agro". Les députés avaient adopté un amendement notamment présenté par le rapporteur général du texte, Eric Girardin (Renaissance), qui indiquait que le terme "Bachelor", en plus d'être un "anglicisme", "ne s'accompagne d'aucune garantie de qualité".

Le "bachelor" peut en effet n'être qu'un diplôme d'établissement ou une certification, dont le contenu n'a pas toujours beaucoup de qualité. Exposé des motifs de l'amendement

Autre argument : le cadre européen, régi depuis la fin des années 1990 par le triptyque licence-master-doctorat (LMD). En séance publique, un amendement du groupe Les Républicains a, en outre, été adopté pour "clarifier" la place de ce nouveau diplôme au sein du triptyque LMD.

Un débat public-privé 

Les députés du Rassemblement national ont exprimé leur réserves sur "l'opportunité de créer un nouveau diplôme spécifique" car celui-ci risque, selon Roger Chudeau (RN), "de se faire au préjudice du brevet de technicien supérieur agricole (BTSA)". "Moi, j'ai entendu des agriculteurs qui se demandaient pourquoi on allait leur demander une année d'étude de plus si c'est pour gagner aussi peu qu'actuellement", a complété Grégoire de Fournas (RN).

La France insoumise a, par la voix d'Aurélie Trouvé (LFI), plaidé pour un "renforcement" des 176 licences professionnelles existantes : "Il nous semble beaucoup plus raisonnable de supprimer cet article et de mettre les moyens publics de l’Etat vers les licences professionnelles pour qu'elles aient davantage de visibilité et de financements." Citant l'étude d'impact de la loi, selon laquelle le nouveau diplôme ne devrait "pas induire de coût budgétaire significatif", Loïc Prud'homme (LFI) a, quant à lui, dit redouter un renchérissement du coût des études, craignant que certains "étudiants [...] qui n'en ont pas les moyens" soient dans "l'obligation de s'endetter".

Les débats ont parfois tourné à l'opposition entre enseignement public et enseignement privé : "Ce n'est pas une question de guerre ou de haine, ce sont juste des idéaux, et des convictions profondes de justice sociale", a affirmé Aurélie Trouvé (La France insoumise). "Ce nouveau diplôme est le terreau du développement de l'enseignement supérieur agricole privé", a abdondé Jean-Claude Raux (Ecologiste), qui a défendu "un enseignement supérieur agricole public, accessible, sans distinction et sans barrière financière".

"Et l'égalité des territoires, vous en faites quoi ? Parce que la réalité c'est que si on n'avait pas l'enseignement privé (...) dans nos territoires, on n'aurait aucun accès à la formation supérieure", a réagi Marie-Christine Dalloz (Les Républicains). La députée a tenté, avec Benoit Mournet (Renaissance) et Delphine Lingemann (Démocrate), de permettre aux établissements d’enseignement supérieur agricole privés de dispenser ce nouveau diplôme directement, c'est-à-dire sans conclure de convention avec un établissement public, sans toutefois y parvenir.

"Il y a un équilibre qui s'est trouvé, c'est un fait historique, entre l'enseignement agricole public et l'enseignement agricole privé, il n'y a nulle intention et nul intérêt à essayer de rouvrir des guerres qui n'ont jamais existé fondamentalement", a indiqué Marc Fesneau, défavorable à cette proposition.

Le contenu du diplôme a également été au cœur  des débats. Un amendement du groupe Rassemblement national, souhaitant supprimer la mention d'une "adaptation particulière" aux "enjeux de la transition écologique et de la décarbonation des pratiques agricoles" a été rejeté. En revanche, un amendement du groupe Les Républicains, soutenu par le gouvernement, a précisé les matières au programme de la formation : "management", "entreprenariat agricole "ou "conduite des productions et transitions de l’agriculture ou de la forêt"... Un amendement du groupe LIOT, visant à garantir un "maillage territorial" suffisant pour "offrir une réponse de proximité aux besoins en matière de formation", a également été adopté.

L'article 5 dans son ensemble a été voté par 49 voix "pour", 29 voix "contre" et 34 abstentions. Les groupes de la majorité (Renaissance, Démocrate, Horizons), les députés LR et les députés LIOT ont voté en faveur de l'article. Au contraire, les élus LFI, écologistes et communistes s'y sont opposés, tandis que les députés RN et PS se sont abstenus (détail du scrutin à consulter ici).

Les députés poursuivent, ce mercredi soir, l'examen du projet de loi, dont le vote solennel est prévu le 28 mai.