Après son adoption en commission le 21 septembre, le projet de loi porté par le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, est examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir de mercredi 4 octobre. Un texte présenté comme nécessaire par le gouvernement et défendu par la majorité, mais vivement critiqué par certaines oppositions.
Un texte "ambitieux" et "équilibré", selon le ministre délégué chargé du Numérique, Jean-Noël Barrot, "une loi qui pourrait menacer la liberté sur Internet" selon la fondation Mozilla : tout en continuant à nourrir de vives réactions, le projet de loi "visant à sécuriser et réguler l'espace numérique" (SREN) poursuit son chemin au Parlement.
Trois mois après son adoption à l'unanimité, en première lecture, au Sénat le 5 juillet dernier et après son adoption par la commission spécialement constituée à l'Assemblée nationale, le projet de loi sera examiné dans l'hémicycle par les députés à partir de ce mercredi, 4 octobre. Malgré des préoccupations communes, tous ne partagent pas les arguments du gouvernement, présentant le texte comme un "outil de protection des Français dans l'espace numérique".
Concrètement, ce projet de loi vise à lutter contre la désinformation en ligne, à renforcer les mesures contre le cyberharcèlement et les contenus incitant à la haine, à protéger les mineurs face à la pornographie et à combattre les escroqueries.
Il a également vocation à transposer plusieurs dispositions votées à l'échelle européenne via le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), pensées comme des outils pour réduire l'hégémonie de certains grands acteurs du numérique (Google, Meta, Amazon, etc.) et rétablir davantage d'équilibre concurrentiel face à des pratiques commerciales ne respectant pas, notamment, le droit européen de la concurrence et de la protection des données personnelles (voir ici ou là).
Le texte prévoit notamment :
Lors de l'audition de Jean-Noël Barrot, mardi 19 septembre (à retrouver sur Youtube), les principaux groupes d'opposition ont critiqué le texte : au nom du Rassemblement national, le député Aurélien Lopez-Liguori a dénoncé une "surenchère liberticide et sécuritaire", tandis que pour la France insoumise, la députée Sophia Chikirou a tancé un "texte unique et fourre-tout".
Si les groupes de la majorité soutiennent le texte, le débat a néanmoins lieu en leur sein : l'arrivée du texte à l'Assemblée nationale a ainsi révélé plusieurs positions différentes.
Au moment où se déroulaient les débats en commission spéciale, les députés Eric Bothorel (Renaissance) et Pascal Latombe (Démocrate) ont écrit un texte publié par le journal La Tribune pour faire fait part de leur scepticisme notamment quant à l'intention de lever l'anonymat en ligne - un "mythe", selon eux -, ainsi qu'à propos de certains amendements - finalement retirés ou non retenus en commission - qui visait à encadrer l'utilisation des réseaux privés numériques (VPN), des outils de plus en plus répandus permettant de contourner l'interdiction à des sites Internet selon le lieu géographique de connexion.
Adopté en commission spéciale jeudi 21 septembre, le texte a été enrichi par 208 amendements : 151 proviennent des rapporteurs du texte, 37 proviennent des groupes de la majorité (Renaissance, Démocrate, Horizons), 20 des oppositions. Plusieurs amendements adoptés prévoient notamment un durcissement des sanctions financières et pénales (pouvant aller jusqu'à 300 000 euros) pour les hébergeurs de contenus pornographiques en cas de référentiel de vérification d'âge jugé non-conforme aux normes de l'ARCOM, un raccourcissement des délais pour déréférencer des contenus signalés (de cinq jours à 48 heures), ou encore un renforcement des efforts déployés par l'Etat pour développer l'identité numérique d'ici 2027.
Du côté des oppositions, les groupes Rassemblement national, La France insoumise, Socialistes et Ecologiste, ont réussi à faire adopter quatre amendements chacun. Enfin, les députés communistes ont fait voter trois amendements, tandis que les députés Les Républicains ont fait voter un amendement visant à mieux sanctionner les deepfakes à caractère sexuel, porté par la députée Virginie Duby-Muller.
L'examen en séance publique débutera mercredi 4 octobre. L'adoption du texte à l'Assemblée nationale ouvrirait la voie à une commission mixte paritaire, destinée à parvenir à une version harmonisée avec le Sénat, en vue d'une validation définitive du projet de loi par Parlement. La France poursuivrait ainsi, après le vote de la proposition de loi sur les influenceurs, ses efforts pour réguler l'espace numérique.