Troubles du neuro-développement : un texte pour améliorer le repérage et l'accompagnement des enfants et des familles adopté par les députés

Actualité
Image
Paul Christophe LCP 02/05/2024
Le député Horizons Paul Christophe à la tribune de l'Assemblée, le 2 mai 2024 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Jeudi 2 mai 2024 à 19:15

L'Assemblée nationale a adopté en première lecture, ce jeudi 2 mai, une proposition de loi visant à améliorer le repérage, l’accompagnement et la scolarisation des enfants présentant des troubles du neuro‑développement. Le texte, issu du Sénat, doit également venir en soutien des familles concernées.

Troubles du spectre de l’autisme (TSA), trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), troubles du langage et des apprentissages appelés troubles "dys", ou encore troubles du développement intellectuel (TDI)... Toutes ces affections, regroupées sous la dénomination de "troubles du neuro-développement", partagent un diagnostic : une même difficulté pour un enfant à développer des fonctions cognitives primordiales, comme la socialisation, la communication, la motricité, l’attention, la mémoire ou l'apprentissage.

"En France, un enfant sur six serait concerné par l’une ou l’autre de ces affection", indique Paul Christophe (Horizons) dans le rapport qu'il a remis sur la proposition de loi visant à "améliorer le repérage et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du neuro-développement et à favoriser le répit des proches aidants". La Haute Autorité de santé recommande de maximiser les chances de repérer ces troubles et de les diagnostiquer le plus tôt possible. C'est justement l'un des axes de cette proposition de loi adoptée à l'unanimité, en première lecture, ce jeudi 2 mai à l'Assemblée nationale. Le texte ayant été amendé lors de son examen, il va maintenant retourner au Sénat, où il a été initialement déposé par Jocelyne Guidez (Union centriste), afin de poursuivre son parcours législatif. 

Dans l'optique de favoriser une prise en charge précoce, la proposition de loi prévoit d'instaurer deux examens obligatoires de repérage des troubles du neuro-développement pour chaque enfant, dans le cadre de son suivi médical préventif. Ces consultations seront prises en charge par l'assurance maladie. "Trop de familles sont dans l'errance du diagnostic. Trop d'enfants sont pris en charge de manière insuffisante du fait d'une méconnaissance du trouble du neuro-développement", a déploré la ministre déléguée chargée de l'Enfance, de la Jeunesse et des Familles, Sarah El Haïry. Dans la version issue de la commission, ces deux examens étaient fixés à l'âge de 18 mois et 6 ans ; mais dans l'hémicycle, les députés ont ramené le premier d'entre eux à l'âge de 9 mois, contre l'avis de l'exécutif, en adoptant des amendements des groupes La France insoumise et Ecologiste.

"Améliorer les conditions de scolarisation"

"L’accueil des élèves présentant des troubles du neuro‑développement en milieu scolaire se heurte encore trop souvent au manque de places adaptées, aux limites de la formation des personnels de l’éducation nationale aux besoins spécifiques de ces élèves et à la complexité des démarches administratives." Pour tenter d'infléchir ce constat du rapporteur du texte à l'Assemblée, Paul Christophe (Horizons), la proposition de loi prévoit également diverses mesures destinées à "améliorer les conditions de scolarisation des enfants présentant des troubles du neuro-développement".

A compter de 2027, le texte vise à garantir la présence d'au moins un dispositif consacré à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves de l’enseignement primaire présentant un trouble du neuro-développement dans chaque circonscription académique ; et un dispositif similaire dans l'enseignement secondaire, au sein de chaque département. Des relais ou référents devront également être désignés au sein de chaque établissement. En outre, il est prévu un module spécifique de formation sur de tels troubles pour les enseignants et personnels d’encadrement.

Soutenir les proches aidants

C'est finalement le dernier axe de la proposition de loi qui a généré le plus de débats dans l'hémicycle, celui qui concerne le répit aux proches aidants. Dans l'absolu, cet objectif fait consensus ; mais les moyens spécifiques prévus par la proposition de loi ont hérissé les députés de gauche. Le texte pérennise en effet, à compter de 2025, une expérimentation prévue par la loi du 10 août 2018 "pour un Etat au service d'une société de confiance", qui introduit des dérogations au droit du travail applicables aux salariés volontaires pour participer à des dispositifs de "relayage" ou des séjours de répit.

Cette pratique, inspirée du "baluchonnage" québecois, permet à l'aidant de se reposer et de bénéficier d'un relais par un professionnel, au domicile de son proche. Dans ce contexte, il peut ainsi être dérogé aux temps de pause, durées maximales de travail ou durées minimales de repos. Des garanties sont toutefois prévues : repos compensateurs, durée d'intervention ne pouvant excéder six jours consécutifs et 94 jours sur un an...

"Cette généralisation nous parait prématurée", a commenté Anna Pic (Socialistes), pointant des "lacunes" dans le bilan de l'expérience. "Cet article fait peser sur les salariés le manque de moyens", a tancé Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine). "Il faut aider les proches aidants épuisés, mais pas en épuisant les soignants", s'est indignée Caroline Fiat (La France insoumise), qui a pointé les risques majeurs pour la santé des salariés induits par la mesure. Paul Christophe (Horizons) leur a opposé les "bons résultats produits par l'expérimentation", assurant que "98 % des [personnels] interrogés jugent l'expérience positive". L'article a finalement été adopté.

Malgré ce désaccord tangible, aucun groupe n'a jugé opportun de voter contre le texte dans son ensemble. Plusieurs parlementaires ont toutefois fait part de leur déception, jugeant la portée de la proposition de loi trop modeste. "Ce texte n'apporte que de maigres réponses", a soupiré Sébastien Peytavie (Ecologiste), regrettant notamment qu'il ne réponde pas à la "scandaleuse déconsidération" des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). "Le constat est le bon, mais les mesures ne collent pas assez à la réalité des besoins", a pointé Yannick Monnet. Mathilde Paris (Rassemblement national), elle même mère d'un enfant atteint d'un trouble du neuro-développement, a pour sa part livré un témoignage saisissant, évoquant "l'impuissance, la solitude et la souffrance" des parents, et le "parcours du combattant" qu'ils doivent affronter face aux déserts médicaux et aux tâches administratives. Elle aussi a regretté les "réponses superficielles" de la proposition de loi. Cette dernière, ainsi modifiée par les députés, va être de nouveau transmise au Sénat, en deuxième lecture.